À son bras, tu admires le ciel dégagé et la lune qui éclaire les ruelles déjà bondées de l’esplanade.
Ton cœur tambourine fort dans ta poitrine, mais tes pas assurés dévoilent une confiance et une fierté qui t’es propre. Farah, tu ne serais sans doute pas digne d’être convoquée à ce genre de soirée si tu ne savais pas te présenter sous ton plus beau jour.

Tu brilles, les bijoux aux oreilles, parures au cou. Tu ne te sentais pas à l’aise au départ, mais tu t’étais rassurée en te contemplant.
De la robe qui embrassait tes quelques formes, tu te présentais aussi naturelle que toujours. Peut-être aussi un peu plus rassurée et pour raison tu avais à ton bras reçu le droit d’être accompagné par le chef des Sentinelles.

Rassurée surtout que les regards qui se posent sur vous soient davantages des regards impressionnés différents de ceux que tu subissais parfois. Peut-être qu’avoir autant insisté en avait valu le coup. Mais tu ne sais pas encore combien de temps tu pourras te tenir à son bras, lui offrir de ta présence en te mentant à toi-même.
Si Raul pouvait lire en toi, il serait probablement écoeuré.
Même si rien n’est encore certain, tu sens qu’il ne comprendrait pas même si tu lui en parlais à coeur ouvert.
Alors même si tu te doutes qu’il ne te dévorera pas, tu sais déjà que cela creusera un fossé conséquent entre vous.
C’est un fossé que tu crains de voir grandir.

Je crois que nous sommes arrivés ! Tu t’exclames, le visage éclatant. Tu essaies de camoufler tant bien que mal tous les doutes qui t’assaillent lorsque tu es avec lui. Bonsoir, nous avions été invi- Mais tu n’as pas le temps de finir que l’agent de sécurité se décale à la vue du Loup, vous laissant tous deux entrer sans même vérifier ton identité.

C’est presque évident et même habituel. Ça serait surtout insultant pour lui que de lui demander qui il est.
Toi, tu souris nerveusement en passant une mèche derrière ton oreille. Le monde qui s’accumule t’angoisse, parce qu’elle pourrait être là à tout moment, là pour te traquer. Pour venir te chercher et t’enfermer à tout moment.

Et si c’était le cas, Raul ne t’aiderait sûrement pas.

Ton regard s'affirme sur celui qui t'accompagne. Tu n'étais plus surprise de sa présence, et d'à quel point elle sublimait les lieux. Et tu n'étais pas non plus surpris de constater à quel point parfois, il faisait également trembler les lieux. C'était peut-être plus rassurant d'être à son bras que de devoir le regarder de loin. C'était plus rassurant de l'admirer comme on admirerait n'importe qui que de simplement le contempler de loin.
Tu pensais que de là où tu étais, tu savais mieux ce qu'il pensait.
Ce qu'il pensait de toi, particulièrement.

C'est vrai - oh merci. Tu souris, radieuse et essaie de supprimer ton malaise. Tu sais que Raul n'est pas non plus adepte de ce genre de soirée mais tu te devais de l'y traîner car il était à vrai dire le seul à pouvoir t'accompagner, le seul qui avait également été invité. Tu espérais au fond de toi que ta présence ne le dérange pas, car qui sait vraiment ce que pense le grand méchant loup ?

Tu prends entre tes doigts la coupe, que tu viens déjà goûter du bout des lèvres. Peut-être que cela chassera le malaise naissant qui grouille en toi, comme à chaque fois. Mais tu n'as jamais compris pourquoi tu étais si nerveuse. En soit, cela fait longtemps maintenant que tu joues mais c'est toujours si étrange de le faire à Everwilde. Comme si tout pouvait simplement mal tourner.

Alors vous montez et il te demande, et toi dans tes pensées tu ne réponds pas tout de suite. Ah ! En fin de soirée, normalement. Nous avons beaucoup de temps devant nous. Tu ris, et puis tu fleuris en repensant à ce que tu viens de dire, alors tu te corriges presque aussitôt. Enfin, tu n'es pas obligé de me tenir compagnie, tu sais ! Je voulais dire que.. J'avais du temps devant moi. Tu t'en veux déjà de l'avoir formulé comme ça. Tu ne dirais pas non à l'avoir à tes côtés, parce qu'il est rassurant à sa manière, parce que cela t'éviterais peut-être de rejoindre un groupe que tu ne veux absolument PAS rejoindre, parce que tu préfères avoir sa compagnie silencieuse que d'autres qui sont simplement des autres, et parfois maladroits.
Avec Raul au moins, tu sais que tu peux être un moulin à parole, il ne s'énervera pas : il a déjà tellement à penser que tu es bien loin d'être une épreuve. Il y a tellement de monde ce soir de toute façon, je ne risque pas de m'ennuyer.

À chaque fois que Raul t'adresse un compliment, tu ne sais pas réellement si tu mérites ce sourire qui fleurit sur ton visage. Comme s'il disait ça pour te faire plaisir, comme si parce que c'était le grand méchant loup, il devait forcément en penser moins que ce qu'il prétendait.
Tu te rends compte un peu trop tard que cette façon de penser est cruelle, peu propre à ce que tu penses réellement. Tu n'aimeras pas réellement que l'on te prenne de pitié, tu n'aimerais pas que le monde te réponde parce que le monde sait ce qui va t'arriver.

Je ne sais pas, beaucoup de personnes sont plus intéressantes que moi. Quand tu commences, on ne t'arrête plus et c'est ça le problème. Tu angoisses de ne pas être à la hauteur, de ne pas être parfait pour les autres avant toi-même. Tu adores cette robe que tu portes mais plaira-t'elle autant aux autres ? Tu te croyais rassurée d'être au bras de Raul, mais c'est finalement toujours aussi contraignant : comme si le monde s'attendait à ce que tu sois à sa hauteur, c'est-à-dire aussi grande que lui. Mais finalement, tu n'es pas une Sentinelle, tu buttes encore sur ta destinée. Et ce soir là, tu t'étais tenue à passer une bonne soirée.
Tu avais pensé qu'ignorer ce qui te chagrinait serait suffisant, mais la réalité c'est que tout te rattrape bien vite. Tu n'as aucun autre moyen pour cope que de finir trop rapidement la coupe entre tes doigts, comme si ça rendrait tes idées plus claires.

Non j'ai pas envie de te laisser derrière, tu m'accompagnes mais.. Tu essaies de forcer un sourire amical. En réalité, et tu t'excuseras plus tard de penser cela, mais c'est toi qui ne veut pas être seule avec les autres. Tu t'attaches à Raul depuis des mois comme une sangsue et tu ne sais toujours pas pourquoi il ne ronchonne pas, car vous n'êtes pas pareil. Vous ne le serez jamais. Je sais que ça te ravi pas non plus, les blablas sans intérêt. Tu ricanes, plus franchement cette fois. Tu détestes les salutations par politesse, toi Farah tu es si honnête avec tout le monde (ou du moins tu le prétends) alors pourquoi tu n'arrives pas être plus honnête avec lui ?

Parce que tu sais.
Tout se déconstruirait.

Ton esprit rend tout si compliqué : parfois tu te détestes de ruminer autant, de penser autant que tu ne sais plus où te situer ou même quoi dire. Pardon, tu dois me trouver tellement chiant, je suis désolé t'as raison je suis nerveuse. Ce qui n'a aucun sens, je connais presque tout le monde. C'est pas comme si c'était nouveau. C'est peut-être qu'il y a plus de monde que d'habitude ? Tu trouves toi aussi ? Tu questionnes, tu te perds dans tes réflexions et en attendant tu as pris trois amuse-bouches que tu as enfoncé dans ta bouche en parlant. Pas très sérieux mais Raul te connaît sans doute pour ton angoisse appuyée.

On te ressert une coupe et tu ne dis rien, tu regardes le liquide tomber et ton regard vient de nouveau se poser sur Raul. Allons prendre l'air. Tu ne sais pas pourquoi tu as implosé brusquement.
Si c'est la foule, les regards
Simplement lui ? C'est le grand méchant loup. Comme s'il était capable de te dévorer.

Peut-être que c'est toi, ce que tu caches au fond de toi. Ce que tu n'arrives pas à dire depuis longtemps.

Tu questionnes en fusées d'interrogations et d'infirmations dont tu n'attends pas de réponse. Simplement Raul étant Raul, ses réponses ne sont ni rassurantes ni réconfortantes, simplement il s'essaie d'être délicat mais ça ne mène à rien. Comme souvent, mais toi Farah tu ne lui en veux pas : tu saurais apprécier ses efforts même s'il n'en faisait aucun.
Amenés plus loin, là où la foule est moins épaisse et là où les regards sont ailleurs, tu t'appuies à ses côtés, les coudes au bord de la rembarde.

Tu l'écoutes sans l'écouter, le regard qui contemple les environs. De nuit, Everwilde reste vivante. De nuit pourtant tu as l'impression de n'être qu'une étoile dans cet immense ciel et pourtant, tu es une étoile dont on connaît déjà les chemins, dont on connaît déjà la destination.
Tu es troublé.e, perdu.e, et la nervosité qui prend place en toi depuis maintenant quelques jours ne t'aide en rien à comprendre ce qui cloche en toi.
Toi, tu le sais au fond.
Les autres, Raul, tu ne sais pas.

Certains sont moins aveugles que d'autres.
Ahhhh c'est pas grave, un peu d'air frais c'est ce qu'il me faut. En réalité, il a beau te rafraîchir tu gèles sur place. Depuis que tu as posé un pied dehors mais tu préfères ne pas le déranger avec des bêtises. Gentiment, tu agites ta main pour nier. Tu me connais, je choppe jamais froid. C'est pas pour ça que tes jambes tremblent et tu ressens déjà l'alcool qui te monte au cerveau, les bruits de la foule qui remontent contre tes tempes.

L'angoisse de prétendre devant le chef des sentinelles. L'angoisse de jouer à quelque chose que tu n'es pas. Mais un jeu auquel tu es très bon.

T'as raison, ça change rien à d'habitude. Je suis un nid à problèmes et à angoisses, mais tu ne lui diras pas. Pas besoin pour qu'il s'en doute déjà. Tu passes une main dans tes cheveux, tire sur les bords de ta robe.. Puis tu t'oses finalement Tu sais bien que c'est pas pour la représentation que je stresse, hein ? Le rire sur ton visage se déforme, c'est davantage une grimace. Gêné.e, tu supposes qu'il le sait, mais tu ne penses pas à ce qu'il arrivera s'il ne se doutait pas de ce à quoi tu parlais.

Tu crois que c'est peut-être l'une des rares fois où tu te sens mal dans ta robe.
Peut-être mal dans tes chaussures, mal dans ta forme.
Mais surtout mal dans ton existence toute entière, et tu aimerais en arracher la page, parfois.