Jeudi; une journée comme les autres, sinon que j’ai invité Rebecca chez moi, dans mon petite appartement au QG des sentinelles. Si l’appartement qu’on m’a réservé est tout aussi austère que celui de mes collègues qui ont élus domicile ici, en tout cas une chose est sûre : moi je n’ai pas lésiné sur la décoration, histoire de rendre tout ça d'une part plus accueillant, et de l’autre, de rendre cet espace vraiment « miens ». Est-ce que j’avais le droit de repeindre le murs et d’installer du papier peint? Je sais pas.

Mais c’est le genre de chose pour laquelle il vaut mieux demander pardon que demander permission. Puis après, on doit bien avouer, le résultat est spectaculaire; une petite cuisine complètement refaite dans des teintes de roses pastels, un coin salon bien douillet avec des coussins et couvertures pelucheux, des lumières chaudes, des dentelles aux rideaux et tout le tintouin. Je m’y sens chez moi – mais chez moi ne serait pas chez moi si ce n’était de la présence de Chouquette à mes côtés.

C’est qui, Chouquette? Déjà elle est mignonne à croquer (comme son nom), mais de manière plus importante, Chouquette c’est ma petite Poméranienne! Est-ce qu’on a le droit d’animaux au QG des sentinelles? Encore une fois, ma devise c’est que c’est mieux de demander pardon (de supplier avec des grosses larmes de crocrodile) que de demander la permission. Bref, elle est là avec sa petite personnalité qui déplace beaucoup d’air, mais au fond, elle est très douce et, surtout, très bien élevée (si je puis manquer d’humilité ici)! En ce moment, elle est installée dans son coin de salon, en train de dormir dans un petit lit, emmitouflée dans sa couverture aux motifs de macarons parce qu’qu QG des sentinelles il fait froid! C’est le chic des bâtiments en pierre, parait.

Assez parlé de Choquette (quel crime, je sais); ce n’est pas pour elle, ou même pour ma décoration, qu’on en est là. J’ai passé la mâtinée à cuisiner; de nouvelles recettes que je veux proposer à la boulangerie où je travaille, mais surtout, de quoi m’amuser. Et pour tout tester, c’est toi que j’ai invitée! C’est compliqué, mais c’est simple; parait que tu as la dent sucrée, alors c’est parfait. Mais ce n’est pas tout à fait innocent que ce soit toi que j’invite et personne d’autre; c’est que j’ai conscience que tu es amie avec Dolorosa, ma collègue de travail…

Et entre Dolorosa et moi, c’est plutôt froid comme relation.

J’espère que tu vois ton rôle dans tout ça. Un genre de : nourrir l’amie de Dolorosa pour que Dolorosa me perçoive mieux. Enfin, va pas croire que je ne fais que t’utiliser pour mon avancement dans ma carrière (… ce n’est, après un an, toujours pas clair quel est mon rôle parmi les sentinelles); j’ai réellement mis plein d’amour dans mes pâtisseries, et j’espère que tu apprécieras ce que j’ai concocté pour nous deux (bah oui, parce que je vais m’empiffrer aussi, bien sûr. De toute, à cause de mon pouvoir, je dois beaucoup manger). Je t’attends avec nervosité, ainstallé devant le lavabo de ma cuisine pour laver les ustensiles et bols que j’ai utilisés jusqu’ici.

Parce qu’on m’a appris qu’un pâtissier doit avoir une cuisine propre, après tout.

« Rebecca! » dis-je avec joie en ouvrant la porte pour t’accueillir après avoir entendu des toques à la porte. « Entre, entre! Tu peux retirer tes chaussures? J’ai des chaussons tricotés que tu peux mettre, le plancher est froid » vrai qu’en octobre, les températures baissent pas mal. C’est donc un peu étonnant que je porte un short minuscule, rehaussé d’un pull de laine pelucheux et bien rose, avec un motif de fraises dessus. Enfin, pour le moment, le motif est un peu couvert par mon tablier!

Chouquette lève la tête; t’observes, nouvelle venue dans son domaine, ses petites oreilles triangulaires bien hérissées sur le sommet de sa petit tête. Sa truffe remue légèrement, et elle finit par s’extirper de son nid de couvertures pour s’approcher de toi en trottinant, petite peluche vivante qu’elle est. Elle vient gracier ta présence de la sienne, reniflant tes chaussures et puis s’assoyant devant toi, ses yeux noirs comme des billes qui te fixent en l’attente d’une cajolerie.

Quand bien même sa queue remue avec joie, elle reste bien là sur place, attendant poliment qu’on calcule sans présence et ce qu’elle veille. Chouquette n’est pas du genre à s’accrocher aux jambes des gens ou à se foutre entre leurs jambes, heureusement. « Rebecca, Chouquette, Chouquette, Rebecca » dis-je simplement, fouillant dans le garde-robe de l’entée pour en sortir un pot de gâteries séchées faites main que je te tend pour que tu lui en donnes une, si tu le veux. « T’es pas allergique aux poils de chien, toujours? » dis-je, mon visage s’animant d’une crainte subite; « pardon, j’aurais dû te demander avant de t’inviter! » au moins, j’ai passé l’aspirateur avant ta venue, il risque d’y avoir moins de problèmes… je crois? Chouquette a beaucoup de poils après tout, c’est un peu dur à contrôler.